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Tommy Orange, Ici n'est plus ici

Ici n’est plus ici

de Tommy Orange, traduit de l’anglais (Amérique) par Stéphane Roques, aux éditions Albin Michel.

« Nous amener en ville devait être la nécessaire étape finale de notre assimilation, l’absorption, l’effacement, l’achèvement de cinq cents ans de campagne génocidaire. Mais la ville nous a renouvelés, et nous nous la sommes appropriée. »

Les premières pages de Ici n’est plus ici sont inoubliables : en guise de prologue, une évocation  de la guerre génocidaire menée contre les Indiens d’Amérique par les colons, des massacres perpétrés contre eux – au premier chef, celui de Sand Creek en 1864 -, de l’assimilation forcée. A cela s’ajoute l’humiliation des clichés véhiculés par la culture de masse et notamment par le cinéma, représentant les Indiens tantôt comme des barbares sanguinaires, tantôt de bons sauvages arriérés, toujours les enfermant dans les stéréotypes de l’Histoire officielle que l’on sait être celle des vainqueurs.

Donc, pour Tommy Orange, exit l’imaginaire consensuel de la fête de Thanksgiving, exit Mel Gibson, John Wayne ou Kevin Costner : l’histoire des Indiens est toute autre, nous écrit-il dans ces pages puissantes et rageuses, et il leur reste à se l’approprier après en avoir été si longtemps – comme de leur terre – aliénés.

Dans ce premier roman, le jeune écrivain d’origine cheyenne raconte la vie de la communauté amérindienne d’Oakland à travers le destin d’une douzaine de protagonistes. Roman choral magnifiquement construit, Ici n’est plus ici brosse le portrait des Indiens qui n’habitent pas les réserves, mais la ville. Il évoque sans détours leurs conditions d’existence souvent difficiles, le climat de précarité et de violence sociale qui caractérise cette vie urbaine : exclusion, délinquance, alcoolisme, violences faites aux femmes…

Éminemment intéressant par son réalisme et sa dimension sociologique, Ici n’est plus ici est pourtant, avant tout, une grande réussite du point de vue littéraire. A commencer par ses personnages, beaux et poignants, que l’on suit avec une alternance de point de vue d’un chapitre à l’autre : autant de voies d’entrée et d’instances facilitant pour le lecteur l’appréhension d’une réalité globale. Chacun dans sa singularité, dans ses motivations et ses raisons propres, semble exprimer un pan de l’héritage amérindien et du rapport que les descendants d’autochtones entretiennent avec leurs racines. Dans le même temps, on se prend d’une réelle affection pour ces personnages aux vies souvent malmenées : Dene Oxendene, Edwin Black, Jacquie Red Feather… ils et elles ne sont pas des exemples ou des cas d’études, mais bien des êtres dont l’histoire, le vécu, le nom et jusqu’au corps même, prennent une consistance aux yeux du lecteur.

Et des récits apparemment isolés de chacun se tissent au fur et à mesure des résonances. Apprenant à les connaître, on se rend compte également de leurs liens, reconstituant dans les blancs du textes et à partir de détails subtilement disséminés cette idée exprimée par l’auteur que « le monde est petit, quand on est indien ».

L’intrigue converge aussi vers un événement, le pow-wow organisé par une institution culturelle locale, l’American Indian Center, une fête et une occasion pour cette communauté morcelée de se réunir autour d’un héritage culturel partagé. Les préparatifs de cette célébration collective cristalliseront enjeux et antagonismes, avec un sens différent pour chacun des personnages, et une intensité narrative qui va s’accentuant au fil du roman… Jusqu’au dénouement, point culminant d’un drame qui semble devoir se rejouer à chaque génération.

Mais à l’image de cette structure narrative qui tendanciellement réunit ses personnages, on ressent graduellement  leur désir de se retrouver, de se reconnaître au sein d’une identité commune, voire d’une famille.

Aussi tragique et sombre qu’il puisse paraître, ce qui traverse la lecture du roman est avant tout une criante pulsion de vie et de justice, intense et communicative.

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