Vous êtes-vous déjà intéressé aux affiches publicitaires annonçant la construction prochaine d’un immeuble haut de gamme ? Le narrateur de L’affaire Mayerling attire notre attention sur ces images d’Epinal de l’habitat partagé et sur leurs immanquables stéréotypes : un jeune couple au landau se projetant confiant dans l’avenir, une respectable représentante du 3é âge arrosant ses jardinières, un homme qui promène son chien, etc. – le tout, saupoudré d’une diversité ethnique politiquement correcte.
C’est dans l’une de ces maisons de poupée, derrière le papier glacé et l’utopie immobilière, que Bernard Quiriny va prendre un malin plaisir à semer la pagaille.
L’affaire Mayerling raconte le destin d’un immeuble de standing d’une petite ville de province, depuis l’histoire de son terrain et sa construction jusqu’à la vie d’enfer qu’il mènera à ses habitants, dès leur emménagement. Tuyauterie récalcitrante, voisins bruyants, odeurs pestilentielles, problèmes de santé, disputes conjugales… Chacun des multiples désagréments vécus par la copropriété du Mayerling semble lié à une force maléfique, émanant du lieu lui-même.
On pense aux maisons hantées, à l’Overlook hotel de Shining, à l’Immeuble Grande Hauteur de J.G. Ballard… mais aussi à Georges Perec et La Vie, mode d’emploi : Bernard Quiriny convoque toutes ces références et joue des codes du fantastique, y mêlant une pointe de satire sociale, ainsi qu’un enrobage de détails experts sur la construction et le marché immobilier, qui, dans ce contexte, prennent une coloration délicieusement ironique. En résulte un roman au ton décalé, fin et surprenant jusque dans sa résolution. Et si le personnage central de ce livre est bien l’immeuble, la galerie de personnages qui l’habite s’anime peu à peu, et d’une suite de noms et de portraits apparemment froids, finit par emporter la sympathie du lecteur !