Aux pieds de la ville isolée de Corne-Brune, dans la Cuvette où campent les clans venus faire du troc, grandissent quatre orphelins livrés à eux-mêmes : une fille, et trois garçons qui sont tous un peu amoureux d’elle. L’un d’eux, un enfant aux origines inconnues, est appelé Syffe – le nom d’une ethnie réputée « sauvage », et qu’il porte comme un stigmate.
La découverte d’un homme assassiné, qui coïncide de manière troublante avec la disparition d’enfants des tribus, va commencer à bouleverser le cours de leurs existences. Alors qu’il chaparde en ville dans l’espoir de plaire à Brindille, Syffe est repéré par Hesse, un capitaine de la garde – qui, plutôt que de lui couper la main, va le prendre sous son aile. Enquêtant sur les enlèvements d’enfants, le garde lui donne pour mission de fouiner en ville, d’écouter ce qui se dit… C’est ainsi que Syffe va entrer malgré lui dans le monde des complots et des intrigues de la Haute, qui l’entraîneront sur les chemins de l’âge adulte dans un Royaume en proie au chaos politique…
La fantasy, c’est ce genre littéraire qui installe son lecteur dans un univers construit de toutes pièces : sa géographie et son Histoire, ses peuples et sa géopolitique, ses langues, sa culture et sa mythologie… La liste pourrait s’étendre à l’infini, tant la cohérence interne d’un monde fantastique peut se raffiner en détails et inventions subtiles pour emporter l’adhésion dudit lecteur.
Mais bien souvent, le récit de fantasy navigue entre deux écueils : l’univers peut être un pur décor de carton-pâte, s’accommodant de lieux communs (elfes, nains, orcs, mythologie remâchée de Tolkien) pour servir d’arrière-plan bancal à une intrigue rebattue et manichéenne. A l’inverse, on trouve des univers réfléchis de fond-en-comble, riches et fonctionnels, mais où il est extrêmement difficile d’entrer, tant ils sont lourds à assimiler, défiant le système digestif du lecteur le plus coriace !
Aussi, quand on entre dans un roman aussi passionnant et réussi que L’Enfant de poussière, on ne boude vraiment pas son plaisir. Il nous plonge dans un monde dense et réaliste, où les rapports politiques et sociaux, en particulier, ont été brillamment pensés par l’auteur, au point qu’ils innervent en profondeur tant le récit que les personnages.
Le point de vue adopté nous fait découvrir le royaume de Brune par le petit bout de la lorgnette, à travers les yeux du jeune garçon qu’est Syffe, et de son double plus âgé, le narrateur, qui enrichit le récit d’une lecture rétrospective et plus mature des événements. Aux côtés de ce personnage attachant, dont le regard d’enfant est retranscrit sans rien édulcorer des épreuves qui l’attendent, on appréciera de proche en proche la complexité de la société où il évolue. Ce au gré d’une intrigue captivante, véritable récit initiatique qui nous mènera des rapines d’un enfant des marges aux intrigues d’une Cité-état, de pérégrinations au cœur de la forêt aux champs de guerre.
La narration prend ainsi son temps, et avance ses pions tout en ménageant de beaux coups de théâtre. L’écriture est belle, travaillée et immersive. Le charme opère. On se régale à tourner les pages sans pouvoir s’arrêter, et on n’a qu’une envie : lire la suite… Ce qui tombe très bien, puisque le deuxième tome est paru !