Lorsqu’il s’agit de comprendre le Japon contemporain, notre culture occidentale est souvent fort démunie. Une fois imaginé le descendant de samouraï fan de sushi, de bondage et de nouvelles technologies, il faut avouer que notre connaissance de cette civilisation reste lacunaire. Heureusement, la littérature permet de combler cet écueil : Soseki, Kawabata, Murakami, Mishima, Tanizaki et son Éloge de l’ombre, autant de livres nous permettant de pénétrer l’imaginaire (parfois tordu, souvent onirique) des habitants du pays du soleil levant. Reste que la compréhension de ce peuple aux mœurs étranges nous échappe la plupart du temps.
Voilà pourquoi, ce livre du journaliste Jake Adelstein s’avère d’autant plus indispensable. Amoureux de ce pays, cet américain réussira l’exploit d’être embauché chez le plus grand quotidien nippon (une petite dizaine de millions de lecteurs tout de même) au service police-justice. Et comme souvent, c’est dans ses poubelles que la société japonaise se révèle. Entre quartier rouge et yakusa, entre corruption et business, voilà un Japon loin des sentiers battus habituels. Finalement la chance de l’auteur sera de ne pas être japonais ; personne ne voit en lui le journaliste, les gens se confient, colportent les rumeurs. Sa malchance sera aussi de ne pas l’être, de ne pas connaître les codes de cette société et de s’attaquer à une institution mafieuse sans imaginer les possibles répercussions d’une telle enquête. Deux conséquences pour lui : une escorte policière dorénavant permanente pour lui et sa famille, et un superbe livre.