Dans les mains d’un autre écrivain, le sujet de ce court roman (ou de cette longue nouvelle) aurait pu donner un résultat sulfureux. Mais c’est un livre empreint de la sensibilité qu’on lui connaît que nous offre ce grand écrivain irlandais (qui est aussi, selon l’humble opinion de votre libraire, l’un des plus grands auteurs contemporains de la littérature mondiale).
Celui-ci se met dans la peau non pas de la Vierge Marie mais simplement de Marie, mère de Jésus. Il dépeint le désarroi que cette mère a ressenti en voyant son fils s’autoproclamer fils de Dieu. Il imagine la douleur d’une mère qui a perdu son fils par trois fois : quand il s’est éloigné d’elle, gardé jalousement par ses nouveaux disciples, quand il a été arrêté puis crucifié et enfin, au moment où débute son monologue, alors que son fils est mort et que les disciples lui demandent de renier sa véritable histoire pour épouser la version officielle qu’ils veulent instaurer.
Laissant la religion à l’arrière-plan, Colm Tóibín s’intéresse surtout aux sentiments et aux émotions que pourrait ressentir n’importe quelle mère à un moment pareil. Il signe ce faisant un magnifique portrait de femme, d’une grande force et d’une grande délicatesse.