Mahbad, petit Etat imaginaire du Moyen-Orient dont la principale ressource, des mines d’uranium, sont l’objet de convoitises internationales, est le théâtre des événements de cet incisif thriller politique.
Des acteurs : le père, Mustafa Bleed, redoutable chef d’Etat, a tenu le pays d’une main de fer pendant des années avant de prendre sa retraite pour raisons de santé. Le fils, Vadim Bleed, dernier rejeton de cette dynastie arrimée au pouvoir depuis plus de cinquante ans, est l’indigne héritier d’un père dont il est loin de partager le goût de la realpolitik et le sens des responsabilités. Une sorte de golden boy, ancien pilote de Formule 1, qui passe le plus clair de son temps à faire la fête en Europe et qui, en guise de bréviaire, s’accroche aux quelques rudiments d’économie de marché inculqués en école de commerce.
Une action, la crise politique traversée par le pays : tandis que les émeutes se multiplient dans la capitale, que les médias se montrent de plus en plus indociles, que les soit-disant alliés internationaux montent en pression et que l’opposition se frotte les mains, les élections s’annoncent très mal. Pour la première fois, un Bleed pourrait bien les perdre, sans que ni le contrôle de l’opinion, ni les petits « réajustements » de coutume, n’y puissent rien changer.
Dimitri Nasrallah nous donne accès aux pensées du père et du fils, dont les points de vue alternent de chapitre en chapitre, narrant ainsi l’histoire à travers les motivations et ruminations qui animent les puissants. Le récit est également rythmé par des articles de journaux et de blogs, de l’organe de propagande officiel au porte-parole de la dissidence, qui apportent un éclairage original sur le cours des événements. Multipliant les points de vue, il déploie, avec une remarquable économie de moyens et une ironie saillante, toute la complexité d’une situation politique, en résonance avec notre actualité.
Fable très contemporaine, Les Bleed exhibe ainsi les rouages d’une lutte intestine pour le pouvoir, ainsi que les enjeux géopolitiques qui font et défont les dictatures. Ce faisant, il nous parle aussi d’un sujet plus intime : les rapports conflictuels entre un père et son fils. Le résultat se lit d’une traite et ne manque vraiment pas de mordant !